Quand j’ai téléphoné à Julien Wosnitza pour une interview, il était sur le Kraken, un bateau trois mâts qui s’apprête à larguer les amarres. Le fond sonore signait l’affairement de l’équipage avant d’entamer une longue navigation dont l’objectif est de nettoyer les océans de leurs déchets en plastique. Le projet s’appelle Wings of the Ocean et est porté par Julien Wosnitza, un jeune homme de 24 ans, qui après avoir pris conscience des catastrophes avenir, a effectué un tournant professionnel radical. Pour Cap sur la Terre, il nous parle de son engagement ainsi que du rôle des écovolontaires qui sont les bienvenus sur le trois mâts.
Laurence Dupont : Après un début de carrière dans une banque, tu as quitté une carrière prometteuse, pour t’engager auprès de l’association Sea Shepherd. Pourquoi ?
Julien Wosnitza : J’ai effectivement quitté le navire de la banque pour embarquer sur celui de la protection des océans. Lors de mon stage effectué dans une banque, je me suis aperçu que le système financier était délétère, hors sol. Je n’avais pas envie de participer à ça. Je me suis ensuite engagé plusieurs mois sur les bateaux de Sea Shepherd. Ça a été une expérience extraordinaire qui m’a permis de rencontrer notamment Paul Waston, qui a préfacé l’ouvrage que j’ai écrit : « Pourquoi tout va s’effondrer ».
« Pourquoi tout va s’effondrer » est un ouvrage que tu as écrit sur l’effondrement de notre société industrielle. La découverte de la collapsologie a-t-elle été un événement fondateur de ton engagement ?
Oui. J’ai commencé par lire le livre de Pablo Servigne « Comment tout peut s’effondrer ». Cette lecture a été un événement majeur dans ma vie. J’ai rencontré Pablo Servigne qui, par la suite, a postfacé le livre que j’ai écrit. Mon livre est comme une entrée en matière dans la collapsologie. Les gens le découvrent, puis, s’ils sont intéressés, ils lisent celui de Pablo Servigné. Parallèlement à l’écriture de « Pourquoi tout va s’effondrer », qui dénonce l’état de la planète et de notre société, j’ai monté, avec Sébastien Fau, l’association Wings of the Ocean, car je trouve qu’il est important de passer à l’action. J’ai rencontré Sébastien Fau sur un bateau de Sea Shepherd et nous avons tous les deux été choqués de voir la quantité de déchets en plastique dans la mer des Caraïbes. On s’est alors dit qu’il fallait faire quelque-chose.
Peux-tu expliquer les différents objectifs de l’association Wings of the Ocean ?
Le projet Wings of the Ocean est né de discussions sur la possibilité de dépolluer les océans. Il a d’abord fallu trouver le navire (Le Kraken) et son financement. Une fois cette première étape franchie, nous avons pu monter la première expédition qui nous mènera d’Amsterdam aux Caraïbes. L’objectif de l’association est de faire de la dépollution océanique et des recherches scientifiques en faisant participer les citoyens sous la forme de missions d’écovolontariat. Les scientifiques donneront chaque jour des conférences.
Quel sera le rôle des écovolontaires sur le Kraken qui est, rappelons-le, un bateau trois mâts construit en 1974 ?
Les écovolontaires feront partie intégrante de l’équipage car le Kraken a également pour vocation d’être un navire école. Il n’y a pas besoin de compétences particulières pour venir, mais les écovolontaires participeront aux manoeuvres et seront formés pour ça. Ils participeront à toutes les activités de matelotage. Ils nous aideront également à dépolluer l’océan notamment lorsque nous déploierons le chalut pour récupérer les déchets en plastique. A chaque escale, ils participeront à des nettoyages de plage selon les besoins sur place. Enfin, ils alimenteront la base de données de l’observatoire Pelagis. Cet observatoire récolte toutes les observations sur les mammifères marins. Il y aura un poste d’observation sur le navire destiné à récolter toutes les données sur les mammifères que nous croiserons. Le trois mâts peut accueillir 24 écovolontaires qui peuvent nous rejoindre lors des différentes escales.
Comment allez-vous procéder pour dépolluer les océans ?
Nous n’allons bien sûr pas dépolluer tous les océans avec un bateau, mais nous allons faire notre part. Pour cela, nous nous sommes rapprochés de l’association Thomsea. Thomsea est spécialiste de la collecte de déchets par chalutage. Dés que nous serons dans une zone de déchets, nous déploierons les chaluts de surface pour récupérer les plastiques. Les déchets seront stockés à bord pour être acheminés vers une usine de dépollution en cours de construction à Grand Cayman.
Quels sont tes projets après cette première expédition ?
Nous allons continuer à oeuvrer pour la recherche scientifique, la dépollution des océans avec la participation des écovolontaires.
Toutefois, nous travaillons déjà à un projet de plus grande envergure pour la dépollution des océans. Avec un bateau, notre action sera forcément limitée, mais à plusieurs, elle pourrait être de bien plus grande envergure. Il faut savoir que 90% des déchets en plastique qui atterrissent dans les océans viennent de 10 fleuves. Parmi ces fleuves, on retrouve le Niger, le Nil, l’Indus, le Gange, le Yangzi Jiang, le Mékonk, l’Amour… Il faudrait se focaliser sur l’embouchure de ces grands fleuves et déployer des catamarans équipés de chalut afin de collecter le plastique avant de le recycler. Il faudrait environ 30 catamarans plus 2 navires support pour chaque embouchure de fleuve. J’estime le budget de cette opération à 90 millions d’euros, ce qui est peu à l’échelle mondiale.
Si vous souhaitez embarquer comme ecovolontaire c’est ici. Wings of the Ocean est une association qui permet de déduire fiscalement le don que vous faite pour la mission d’écovolontariat.