Vie quotidienne au centre des vautours de Cres

Tour du monde d’une éco-volontaire : les vautours de Croatie (3/4)
Je flâne les après-midi dans les ruelles étroites du petit village de Beli, à deux pas de la vieille bâtisse où nous logeons, monte jusqu’à la place centrale, perchée sur la colline surplombant le golfe de Kvarner et hume l’atmosphère à la terrasse d’un café. On est en Méditerranée sur une île. Le soleil chauffe, les vieux tapent la causette au bistrot, les enfants jouent au ballon et quelques vacanciers se promènent profitant de la quiétude des lieux. Je voudrais tout saisir de cet endroit un peu à part, de cette inébranlable volonté qu’anime Franjo à prendre des risques lorsqu’il escalade les falaises à mains nues, à animer un éco-centre avec ses volontaires qui défilent, à jongler avec différentes nationalités qui parfois ont du mal à se comprendre même sur d’infimes détails. 
Voilà quelques jours d’ailleurs qu’un important groupe de macédoniens est arrivé, créant quelques tensions en raison essentiellement de son fonctionnement en autarcie.


Jusqu’à deux kilos de viande dans le gosier

Nous avons l’impression d’assister tous les soirs au repas des vautours ! Pour la petite histoire, les vautours ont une morphologie adaptée pour engouffrer le plus de nourriture possible en un minimum de temps, car ils ne savent pas s’ils mangeront demain. Ils peuvent garder jusqu’à deux kilos de viande dans le gosier. En général, le premier servi est le plus agressif, le mâle dominant. Or, depuis quelques jours à Caput Insulae, c’est un peu la même chose. Rien ne va plus. Le premier arrivé est rassasié et le dernier ne mange pas. Les crispations de chacun deviennent perceptibles dans tous les petits gestes quotidiens.
Et ça, pour Franjo, c’est inacceptable, intolérable, c’est ce qu’il déteste le plus. 
- « Je voudrais que ce soir tout le monde se réunisse à 18 heures, tout le monde ! Pas d’exception ! » ordonne-t-il.
Nous prenons place. Le petit homme au chapeau ne rigole pas, ce qu’il a observé ces derniers jours le rend malade. Il s’exprime en Croate, son message lui vient des tripes. Il faut croire que dans ces cas là, la langue maternelle s’impose. Prenant le soin de choisir une traductrice, en anglais, plus personne ne pourra avancer l’excuse de la langue, pour dire qu’il n’a rien compris.  Nous sommes tous là, interdits, Croates, Anglais, Slovènes, Italiens, Français, Tchèques, Macédoniens… Même le directeur de l’éco-centre, en vacances dans le coin, s’est déplacé.
 -« Nous sommes tous différents, de nationalités différentes, mais nous devons savoir vivre ensemble ! » C’est un cri du cœur. Il semble savoir de quoi il parle.
- « La paix et la non violence sont des notions fondamentales, les piliers  sur lesquels reposent Caput Insulae ». Silence dans l’assemblée.
Cette petite régulation de groupe finit par détendre nettement l’atmosphère. Les différentes nationalités communiquent à nouveau. Franjo retrouve le sourire et son optimisme. Du coup, j’en apprends un peu plus sur ce petit pays qu’est la Macédoine, pays dont j’ignorais jusqu’à aujourd’hui le tracé des frontières, pays dont j’ignorais à peu près tout de son peuple dont l’identité paraît bien marquée, mais mal reconnue… C’est du moins ce que j’ai ressenti lors des discussions que j’ai eues avec le groupe d’étudiants en biologie. Alors primo, si vous ne voulez pas vous mettre à dos un Macédonien, dite lui qu’Alexandre le Grand était Macédonien et non Grec. Manifestement les deux pays se disputent la paternité du héros. Deuxio, ne lui demandez pas s’il parle Grec, car sa langue est bien plus proche du Croate.

Suite du tour du monde d’une écovolontaire : sauvegarde des vautours en Croatie (4/4)

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