La terre est en surchauffe au village des tortues


Tour du monde d’une éco-volontaire : le village des tortues de Gonfaron (2/7)

. Début de la journée au magasin. Je tiens la boutique et m’occupe des entrées avec Philippe. Lui, il n’a jamais travaillé, c’est un jeune étudiant en biologie qui en sait beaucoup sur les histoires de génétique et de biodiversité. Moi, cela fait dix ans que je suis spécialisée dans un domaine, le journalisme. Bref ni l’un ni l’autre n’avons jamais tenu une caisse de notre vie. Nous voilà au pied du mur, devant cette machine mystérieuse, ce tiroir-caisse qui s’ouvre et se ferme avec cette sournoise crainte d’avoir un écart de plusieurs centaines d’euros à la fin de la journée, entre le chiffre inscrit sur le ticket final et ce qu’il y a réellement dans le tiroir.
Quand faut y aller faut y aller, les premiers clients arrivent, nous n’avons pas le temps d’avoir des états d’âme. Coup de chance, la machine à carte bleue est en panne, nous n’aurons pas à nous en servir aujourd’hui. On ne s’en sort pas si mal, après quelques minutes de rodage et malgré une panne d’électricité, et les coups de feu que nous essuyons lorsque les visiteurs défilent côté entrée, côté boutique et que le téléphone ne cesse de sonner avec au bout du fil des histoires abracadabrantes de tortues !

Tortues écrasées


Ah j’oubliais le taki walki grâce auquel nous pouvons appeler un responsable animalier pour les cas les plus problématiques ; tortues écrasées mais encore vivantes, scalpées par une tondeuse à gazon, retrouvées sur un parking… 
Et puis, oh, des Polynésiens ! Drôle de clin d’œil…
« – Ia orana !
- Ia orana !
- Eh copine tu connais Tahiti ?
- Oui, j’y habitais il y a encore trois semaines
- Ta vite retrouvées du travail
- Pas tout à fait, je suis bénévole
- Tu en as déjà vu des Polynésiens comme nous ici ?
- Non vous êtes les premiers
- Allez nana !
- Nana ! »
Un popaa les accompagne, il me regarde et lâche : « J’ai habité Tahiti il y a quelques années, quand on revient, on n’est plus jamais comme avant … ».

Les journées passent très vite au village et cette première mission est un vrai bol d’air. Au fil des jours, mes connaissances sur les tortues s’enrichissent, même si bien souvent j’avoue mon ignorance lorsque les questions deviennent trop pointues lors des visites guidées. Les bénévoles forment comme une grande famille avec ses rituels, ses conflits et ses amitiés. A tour de rôle, par petits groupes, nous nous échappons de temps à autre, déguster un crêpe dans le village voisins ou admirer la Presqu’île de Gien et les îles du Levant du haut de Notre-Dame-des-Anges.
En dehors de ces quelques escapades, les tortues se chargent de se rappeler à notre bon souvenir y compris la nuit lorsque la fameuse alarme du parc des radiata de Madagascar, dont la carapace fait l’objet de trafic, se déclenche. Cela se produit en général vers quatre heures du matin.
Constitution biologique oblige sans doute, ce seront les femmes qui se lèveront quasiment à chaque fois, lampe torche à la main, traquer les malfaiteurs… Plusieurs de ces tortues ont déjà été volées et la seule idée d’un nouveau rapt panique l’équipe permanente, de même que les incendies, autre grand danger qui guette le village en cette période estivale.

La température monte, Il faut débroussailler

Or, la température ne cesse de grimper un peu plus chaque jour. Le thermomètre affiche 28 degrés dès 7 heures du matin et monte jusqu’à 40 au beau milieu de l’après-midi. La terre est desséchée, en surchauffe, dure comme de la pierre. La poussière pénètre partout, dans le moindre recoin. Tout est sec, bien trop sec. De temps à autre, en fin de journée, le tonnerre gronde, le ciel s’obscurcit, mais il ne pleut jamais, excepté derrière la colline. C’est un peu comme dans Jean de Florette, nous attendons tous une averse salvatrice, mais elle ne vient pas. Il faut débroussailler certaines parties du village. C’est une urgence. Un seul mégot pourrait provoquer une catastrophe et des formations arbustives se sont développées proches des structures en bois. Je me lance donc à l’assaut du maquis cisailles à la main, toute seule… le renfort arrivera une heure plus tard. Nous ne pouvons travailler longtemps sous ce soleil de plomb. Les visites deviennent également de vraies épreuves. A chaque point d’eau les moniteurs des centres aérés aspergent les enfants à grande eau. Quant aux tortues, elles n’en peuvent plus. Elles cherchent l’ombre sous les taillis et se font très discrètes au grand dam des vacanciers et surtout des plus jeunes. Les visites se transforment parfois en partie de chasse au trésor.

Laurence Dupont

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