Dernier équidé sauvage, l’équipée du cheval de Przewlski a bel et bien failli finir à jamais derrière les barreaux des zoos. Grâce à l’ONG Takh, un troupeau parcourt de nouveau la steppe mongole.
Le pari était audacieux. Recréer un troupeau d’équidés sauvages avec une espèce qui n’existait plus que dans les zoos au début des années 70. C’est pourtant la prouesse réalisée par l’association Takh, créée par Claudia Feh en 1990. Aujourd’hui, dans l’ouest de la Mongolie au sein de la région Khomiin-Tal, un troupeau sauvage de Przewalski galope à nouveau dans la steppe. Dernier cheval sauvage au monde, le Przewalski (takh ou takhi en mongol), que vous avez peut-être déjà aperçu sur les parois des grottes de Lascaux, parcourait jadis les plaines d’Asie centrale et d’Europe. Découvert en 1879 par le colonel Przewalski dans le désert de Gobi, alors que les scientifiques de l’époque pensaient avoir répertorié tous les mammifères, il ne tarda pas à attirer les convoitises et très vite se retrouva derrière les barreaux des zoos.
Dernier individu aperçu
« Pour capturer un cheval, explique Hélène Guillen, responsable administrative et financière de l’ONG Takh et du site du Villaret, les responsables de zoos pouvaient tuer tout le troupeau car les chevaux se défendaient entre eux. »
A cette prédation d’origine humaine, s’ajoutait la forte concurrence des troupeaux domestiques et les hivers rudes de Mongolie. Le dernier individu fut aperçu en 1969. A la suite de quoi, le cheval de Przewalski n’était plus que visible dans les parcs animaliers.
Trois années après la création de l’association Takh, onze chevaux de Przewalski en provenance de zoos sont réintroduits dans un parc de 400 hectares au Villaret, dans les Cévennes, dans le but d’être ensuite relâchés en Asie centrale. A l’époque, il existe d’autres programmes de réintroduction du dernier équidé sauvage. Mais Claudia Feh a une approche différente des autres projets où sont effectués des transferts directs de spécimen des zoo vers la Mongolie.
« L’association Takh prévoyait une période d’adaptation », souligne Hélène Guillen. Pendant dix ans, les chevaux ont été livrés à eux-mêmes, sans contrôle. En semi-liberté, ils ont petit à petit recréé un troupeau et retrouvé les comportements de leurs ancêtres.
« Certains d’entre-eux avaient toujours été nourris au foin et n’avaient jamais brouté. Ils ont malgré cela retrouvé leurs instincts, et n’ont pas tardé à consommer l’herbe rase du Causse Méjean. »
Des points communs entre le Causse et la steppe
Les chevaux ont reconstitué une structure familiale, avec ses règles. Ils sont redevenus sauvages. En 2004, les membres de l’ONG ont estimé qu’ils étaient prêts à affronter la steppe et les hivers mongols.
« Il y a des points communs entre les conditions du Causse et la steppe. Les étés sont chauds et secs, et les hivers rudes et longs. Les chevaux ont pu se réadapter à la neige», note Hélène Guillen. Mais tout n’était pas gagné pour autant. L’hiver mongol est plus rude que celui des Causses. Le troupeau était-il en mesure de supporter des température de -50 C° ? de se défendre contre les grands prédateurs comme les loups ?
La réintroduction s’est faite par famille, avec un étalon, des juments et leur progéniture. « Il était très important de ne pas séparer les individus qui avaient créé des liens étroits qui les unissaient. »
Vingt-deux chevaux ont été transportés, par avion entre 2004 et 2005. Les animaux ont été relâchés dans un site clôturé d’environ 14 000 ha. Pour mener à bien la ré-implantation de cette population, l’ONG se place dans une “approche paysage” ainsi que le recommande la convention sur la biodiversité, signée à Rio en 1992.
Les nomades sont associés au programme
La population nomade de Khomiin Tal a toujours été associée au projet. Aujourd’hui, Takh mène un projet sur le “développement communautaire”. « Nous essayons de développer des activités alternatives à l’élevage comme source de revenus pour les locaux. Par exemple, nous vendons au Villaret des objets en feutre fabriqués par les femmes de Khomiin Tal, souligne Hélène Guillen. Nous souhaitons permettre aux éleveurs de tirer des revenus autrement que par la laine cachemire. »
A long terme, pour que la population de chevaux se multiplie et trouve suffisamment de ressource alimentaire, il faut que le pâturage soit suffisant pour accueillir les chevaux sauvages mais aussi les troupeaux domestiques. « Nous cherchons donc à trouver des moyens pour les éleveurs d’adapter la taille de leurs troupeaux à l’état du pâturage, tout en tirant des revenus stables.
Nous organisons aussi chaque année une “summer scholl” destinée aux enfants durant leur période de vacances, et avons dégagé des financements pour mettre en place une centre de soins médicaux à Khomiin Tal. »
Un programme d’écovolontariat
Depuis 2010, Takh fait appel à des écovolontaires. Actuellement, un bénévole est sur place en Mongolie afin d’observer le troupeau. Cet été (2010) deux bénévoles sont présents en juillet et deux en août au Villaret. Leur rôle consiste à guider et sensibiliser les touristes à la destinée du cheval de Przewlski.
Laurence Dupont
Association pour le cheval de Przewalski : Takh
La Tour du Valat
Le Sambuc
13200 ARLES
Tél : + 33 (0) 490 97 23 13
www.takh.org