L’outback est une immense mer aride parsemée d’îles. Parmi elles, William Creek, 12 habitants, la plus petite commune d’Australie. Avec son pub planté au milieu du désert, elle forme un oasis rugueux et sableux. Sur les murs délabrés du bar, des milliers de cartes de visite forment une tapisserie. Il y en a tellement que le propriétaire a jugé opportun de préciser sur un panneau “2 dollars pour mettre une carte de visite pour cause de surcharge”. Il n’y a pas de petites économies.
Accrocher sa carte de visite dans ce bar semble relever d’un rite, d’une tradition qui signerait je ne sais quelle bravoure. Oui moi, le vendeur de voitures, représentant de commerce ou électricien à son compte ai posé mon postérieur fatigué dans cette antre poussiéreuse de l’outback, au milieu du désert ; A quelques lieux à peine où se sont croisées jadis les pistes des ancêtres aborigènes et les tunnels des mineurs…
Coober Peddy ou Kupa Piti en langue aborigène signifie l’homme blanc dans le trou. Au XXe siècle, cet homme blanc a découvert sous terre l’un des plus gros filons d’opale au monde. Attiré par l’espoir fou d’en finir avec la misère et peut-être les contingences matérielles, il a creusé, s’est enterré, parfois des jours entiers à la recherche de la pierre multicolore. Plusieurs générations ont vécu dans des maisons troglodytes ornées d’opale, à l’abris de la chaleur. Des voyageurs, de passage juste pour un plein d’essence, ne seraient jamais repartis à la vue de la pierre. D’autres ont rampé jour et nuit jusqu’à en perdre le contrôle.
Toute la ville respire encore les rêves de fortune, l’appât de l’argent facile et les déceptions qui s’en suivent. A Coober Peddy, là où la pierre enivre, des hommes, venus du monde entier, ont subi et subissent encore la dureté du désert avec ses tempêtes de sable et des températures dépassant régulièrement les 50 degrés.
Devenu capitale mondiale de l’opale, ce gros bourg de quelques milliers d’âmes jette à la figure un paysage d’une sévérité déconcertante. Des monticules d’un blanc caniculaire émergent des cheminées cylindriques en ferraille. Autour, des milliers de puits, des trous et des collines de gravats forment un substrat lunaire et abrupt. Il n’est pas rare d’apercevoir sous un nuage de poussière des camions croulant sous leur cargaison, armés d’explosifs.
A Cooper Peddy, le souffle de l’outback est âpre et rugueux. La ruée vers l’opale confère au bourg un côté far west américain avec ses règlements de compte à coup de bagarre dans les pubs.
Les cicatrices d’une terre pillée
Ici, le rêve australien a attiré des milliers d’hommes, animés par l’espoir d’une vie meilleure au bout d’un coup de pioche. Ici, le rêve a laissé des traces visibles à l’œil nu. Plus que des traces, ces lézardes sont les cicatrices d’une terre pillée pour ses richesses.
Le Rêve des aborigènes, lui, reste invisible pour le simple visiteur. Or, toute l’Australie est marquée par les empreintes des ancêtres créateurs. Ces empreintes qui ont donné naissance à des rêves transmis de génération en génération sous forme de chants et de légendes.
Dans le désert australien, les arbres, les plans d’eau, les rochers signent le passage des ancêtres. Chaque élément est à sa place et joue un rôle bien particulier dans cet univers à la survie quasi impossible.
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