Figure de la lutte contre le réchauffement climatique, le chef papou Mundiya Kepanga est aussi un observateur privilégié de la civilisation occidentale. Son regard unique et sans entrave peint un tableau de notre société loin des poncifs. Rencontre.
Lors du 29e Festival des globe-trotters, organisé par ABM (Aventure du Bout du Monde) à Paris, j’ai rencontré Mundiya à l’occasion de la présentation de son film : « Frère des arbres, l’appel d’un chef papou ». Grâce à ce documentaire, Mundiya nous fait découvrir son monde, les hauts plateaux de Nouvelle Guinée Papouasie et nous transporte dans son univers, celui d’une des dernières forêts primaires. Ce film invite le spectateur dans une excursion bucolique au cœur des traditions des Hulis, tribu dont est issu Mundiya.
Mundiya est aujourd’hui presque aussi connu que le chef amazonien Raoni. Invité lors de la COP 21 en compagnie de Nicolas Hulot, il est l’une des figures de proue de la lutte contre le réchauffement climatique.
Cependant, ce qui m’a le plus intéressée chez Mundiya, outre son aisance à parler en public et la joie avec laquelle il se prête au jeu des questions/réponses, c’est son livre : « Au pays des hommes blancs, les mémoires d’un Papou en Occident ».
Certes son film est un très beau plaidoyer pour la défense de l’environnement, mais l’ouvrage qu’il a rédigé, avec l’aide de son ami journaliste, à quelque chose d’unique, qui pousse chaque lecteur à sortir des clichés sur les populations dites premières.
Un ethnologue chez les Occidentaux
L’expérience du chef papou est semblable à celle d’un ethnologue qui s’immerge dans une société dont il ignore tout. Sauf qu’ici, l’ethnologue n’est pas un universitaire soucieux de comprendre les us et coutumes d’un peuple premier de l’intérieur, mais l’inverse. Mundiya a grandi dans sa tribu, les Hulis. Il ne sait lire ni écrire, car il n’est jamais allé à l’école. Mais le destin et la singularité de son regard a fait de lui un observateur privilégié des mœurs occidentales.
Comment ce simple chef papou, comme il se désigne lui-même, a fini par parcourir le monde et donner des conférences devant des centaines de milliers de personnes ?
C’est une histoire d’amitié qui a scellé le début de cette aventure, lorsque le photo-journaliste Marc Dozier part en reportage en Papouasie Nouvelle Guinée auprès de la tribu des Hulis.
Là, il se lie d’amitié avec Mundiya et décide de l’inviter en France pour le remercier de son accueil.
A l’époque, Mundiya vit parmi les siens en cultivant une petite parcelle de terre. Il n’a jamais quitté les hauts plateaux et la forêt n’a aucun secret pour lui. Il ne connaît rien de notre monde, mais accepte l’invitation de son ami, par curiosité. Ce premier périple en France, au début des années 2000, sera le premier d’un longue séries, où le chef papou, goûte, teste, vit nos étranges coutumes sans barrière ni préjugé. Fin observateur, son regard est perspicace, touchant, parfois inattendu et surtout, loin de ce que tout occidental aurait pu y projeter.
La bonne nouvelle c’est qu’il nous aime bien nous les Occidentaux ! Certes à ses yeux nous nous comportons parfois comme des sauvages, ne respectons pas vraiment les forêts et mangeons des choses ignobles comme le fromage ! Mais dans l’ensemble, notre explorateur des temps modernes apprécie la technologie, le confort, l’électricité. Lorsque dans les conférences une personne lui demande s’il aime l’argent il répond sans détour : « Bien sûr que oui ! L’argent nous permet d’acheter des biens que nous ne pouvons pas fabriquer nous-mêmes »
Certains de ses points de vue peuvent choquer notamment lorsqu’il explique que l’amour est plus simple en Occident car les femmes sont gratuites, comprenez ici que les hommes n’ont pas à payer de dot à la famille. D’autres observations font sourire quand il explique que chez nous on reconnaît un chef au bruit de ses chaussures, elles claquent ! Et tout le monde baisse le regard. Dans son livre, le chef papou s’exprime sur les grands sujets de société que son la culture, le travail, la mort, la vieillesse…
Marc Dozier, la plume de Mundiya, qui rappelons-le ne sais ni lire ni écrire, a tenté d’être le plus proche du discours de son ami, quitte à utiliser sciemment des néologismes lorsqu’ils reflétaient la pensée du chef papou. Le langage imagé de Mundiya n’a pas rendu la tâche du journaliste facile, mais le résultat permet au lecteur d’observer ses coutumes d’un angle de vue unique.
Laurence Dupont
Mundiya Kepanga : « Au pays des hommes blancs, les mémoires d’un papou en Occident » NIUGINI ÉDITION